Règlements sportifs : mise en échec pour l’égalité

7 juillet 2021

Par Trevor LaForce, Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, gestionnaire en éducation au CCES

Après les dernières semaines, on pourrait difficilement reprocher à un non-initié de penser que « sport » rime avec « contrôle » et « exclusion ».

On a informé des mères allaitantes que pour représenter leur pays aux Jeux olympiques, elles devraient probablement laisser leur bébé à la maison. On a soumis des sprinteuses namibiennes à des « évaluations médicales » après des performances remarquables, après quoi on leur a interdit de participer à des compétitions internationales sur des distances comprises entre 400 et 1 500 m. Désormais, ces femmes – qui comptent sans doute parmi les meilleures sprinteuses au monde – ne peuvent plus participer aux Jeux de Tokyo ni aux compétitions internationales sans prendre des médicaments pour réduire leur taux de testostérone naturel. La Fédération internationale de natation (FINA) a rejeté une demande visant à autoriser en compétition le Soul Cap, un bonnet de bain spécialement conçu pour les cheveux des Noirs, sous prétexte qu’il n’épouse pas « la forme naturelle de la tête ». Et, bien sûr, la sanction d’un mois pour le THC a fait le tour du monde, soulignant une fois de plus la détermination de l’Agence mondiale antidopage (AMA) à maintenir le cannabis – désormais classé comme « substance d'abus » – sur la Liste des interdictions.

C’est devenu un tel cliché que c’en est prévisible. Le sport pourrait faire preuve d’inclusivité et de progressisme, mais il n’y arrive toujours pas. Et des gens en sont meurtris.

Pire encore, une tendance alarmante se dessine, visible pour quiconque suit l’évolution de la situation. Les personnes qui souffrent le plus sont des femmes vraiment exceptionnelles, souvent noires et originaires du Sud. Dire le contraire, agir comme si ce n’était pas le cas, c’est choisir de soutenir délibérément des systèmes de discrimination et d’oppression.

Les règlements sportifs sont censés mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Or, à cet égard, ils échouent. Ils ne parviennent pas à créer un milieu qui respecte la dignité, ni même l’humanité, de certains de ses participants les plus admirables. Le monde du sport commence à vaciller et à se fissurer sous le poids des décisions prises par les organismes sportifs, ce qui pousse les décideurs vers un point critique : changeront-ils de cap ou continueront-ils à faire les mêmes choix malavisés et fermés qui nous ont amenés ici, laissant le sport s’effondrer sur lui-même?

Au CCES, nous agissons dans le respect des règles. Nous essayons de sensibiliser la population et de défendre la diversité des sexes et des genres, et nous plaidons régulièrement pour que le cannabis soit retiré de la Liste des interdictions, car nous ne considérons pas qu’il améliore les performances. La cause est loin d’être gagnée; toutefois, l’année dernière, nous avons mis fin aux analyses d’échantillons de contrôle du dopage pour les athlètes de U SPORTS et de l’ACSC qui répondent à des critères précis en ce qui a trait à l’utilisation de cannabinoïdes. La quatrième édition du Programme canadien antidopage stipule clairement que nous n’utiliserons jamais l’échantillon d’un athlète à des fins de vérification du sexe ou à d’autres fins qui ne visent pas l’élimination du dopage. Nous nous efforçons de rendre le sport équitable, sécuritaire et ouvert, et nous constatons le succès des organismes et des activités sportives nationales canadiennes qui adoptent Sport pur comme un ensemble de valeurs et de principes directeurs.

Dans notre sphère d’influence, tant au pays qu’à l’étranger, nous tentons de passer le message : les Canadiens veulent un sport fondé sur l’équité, l’excellence, l’inclusion et le plaisir, un modèle qui évite ces écueils. Nous repensons nos pratiques et politiques, avec l’aide de groupes de travail internes et d’experts externes qui examinent notre travail et nous offrent la formation nécessaire pour améliorer notre inclusivité et notre proactivité. Nous avons à peine entamé le processus, mais nous avons décidé de nous ouvrir aux critiques et aux commentaires plutôt que de maintenir le statu quo.

À l’international, les décisions viennent du sommet : l’AMA et les fédérations internationales qui régissent le sport sont habilitées à faire des choix pour le monde du sport dans son ensemble. Qu’il s’agisse de réviser la Liste des interdictions pour qu’elle reflète les attitudes sociétales à l’égard de la consommation de cannabis ou de revoir les paramètres d’évaluation de la féminité misogynes, punitifs et dépassés, nous devons faire des choix nouveaux et meilleurs.

Il y a cependant eu quelques victoires. Les organisateurs olympiques sont revenus sur la décision d’empêcher les mères allaitantes d’emmener leur bébé aux Jeux. Mandy Bujold a obtenu gain de cause devant le Tribunal arbitral du sport, une victoire décisive qui devrait nous donner de l’espoir et qui, souhaitons-le, créera un précédent en matière d’allocations pour les femmes enceintes ou post-partum. La FINA, et c’est tout à son honneur, réévalue l’interdiction du Soul Cap (en anglais) à la lumière des réactions négatives exprimées, reconnaissant « l’importance de l’inclusion et de la représentation ». C’est le genre de choix qu’il faut faire, pas seulement en réponse à la réaction du public mais volontairement, en reconnaissant la valeur de l’inclusion, de l’humanité et de la dignité. Ce type de choix permet vraiment d’offrir des chances égales à tous et de faire concourir davantage de personnes remarquables plutôt que moins.

Les Jeux olympiques, aussitôt suivis des Jeux paralympiques, approchent à grands pas. Rappelons-nous le véritable pouvoir de ces événements : ils soulignent l’excellence humaine, mais ils mettent aussi en valeur la diversité, la dignité et l’égalité des athlètes. Aucun autre événement de cette ampleur ne nous permet de voir nos semblables se mêler à de parfaits étrangers. Des millions de personnes, partout sur la planète, peuvent regarder les Jeux et se voir représentées parmi les plus grands athlètes de l’heure. Elles voient l’excellence de leur pays sur la scène mondiale.

À moins, bien sûr, que le sport ne choisisse de les exclure… Nous nous posons donc une question, à nous et à la communauté sportive internationale : quels choix allons-nous faire?

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