Quand le sport tourne à la tragédie

3 février 2012

Les récentes émeutes en marge d’un match de soccer en Égypte nous rappellent combien le sport est vulnérable. Bien que le contexte et l’issue tragique des affrontements à Port-Saïd relèvent davantage de l’agitation politique et de l’opposition au régime mis en place dans la foulée du Printemps arabe, ces violences pointent du doigt le comportement des spectateurs lors de manifestations sportives et portent un autre coup bas au sport.

L’hooliganisme au soccer ne date pas d’hier et remonte au XIIIe siècle en Angleterre.  À plus d’un égard, on peut voir dans le hooliganisme au soccer, une forme de nationalisme ou de tribalisme débridé. Mais les matchs de soccer et ce n’est pas unique au soccer –  rappelons-nous la récente émeute de la Coupe Stanley, à Vancouver –  créent un contexte où il est facile de se laisser entraîner dans le mouvement des émeutiers et servent de tribune à  divers groupes pour exprimer leur mécontentement et s’adonner à des comportements antisociaux.

Au soccer, il y a de ça plusieurs siècles, les matchs de soccer servaient à trancher des différends conflits entre villages rivaux, des conflits portant par exemple sur des terres disputées. La compétition sportive alors n’avait rien à voir ou peu à voir avec un divertissement, et ne servait pas non plus à forger le caractère des athlètes qui y prenaient part; elle était simplement un moyen de régler un conflit. Même si nous avons parcouru beaucoup de chemin entre l’époque où le sport servait à régler des conflits sociaux et aujourd’hui, où le sport est reconnu comme un bien public qui forge le caractère et édifie des communautés plus fortes, il semble que les partisans ont parfois de la difficulté à s’élever au-dessus des racines historiques de l’hooliganisme.

Les spectateurs de manifestations sportives se laissent entraîner à la violence pour diverses raisons. Cela peut leur servir à évacuer leur frustration, leur colère ou leur outrage par rapport à des enjeux politiques, religieux, économiques ou autres. Souvent, des activistes professionnels et des agitateurs ne sont pas loin et se tiennent prêts à attiser les braises de ce mécontentement. Il y a aussi de ces gens dont la vie est à ce point dénuée d’intérêt que sur le plan émotif leur raison est intimement liée aux victoires et défaites de leur équipe fétiche.

À mon avis, nous devrions réfléchir aux enseignements que nous pouvons tirer de ces émeutes tragiques dans le soccer égyptien pour empêcher que notre système sportif au Canada ne cède à de telles violences. D’abord et avant tout, je crois que les parents peuvent trouver dans les émeutes à Port-Saïd un moment d’enseignement opportun pour eux-mêmes et leurs enfants. Au Canada, nous voulons que le sport soit le reflet de nos valeurs et renforcent nos valeurs  – dans le sport, au Canada, nous appelons ces valeurs, les valeurs Sport pur. Quand il est question du comportement des spectateurs lors de manifestations sportives, les deux valeurs qui viennent en tête sont celles du respect et de la sécurité des athlètes.

Comme toutes ces choses dont nous sommes témoins dans le sport professionnel, songeons au dopage, au harcèlement et à l’abus, au racisme et dans ce cas-ci les violences des supporteurs  tournant à l’émeute, ces comportements trouvent leur origine dans le système sportif communautaire. Malheureusement, nous avons par notre laissez-faire fait en sorte qu’il est devenu normal pour les spectateurs d’abuser de nos officiels, de nos joueurs, de nos entraîneurs et d’autres spectateurs.

Chaque fois que nous assistons, comme parents, aux compétitions sportives de nos enfants, y compris aux matchs de soccer, nous devons être des modèles positifs et défendre les valeurs et principes d’un Sport pur. Dans ce rôle, nous avons en particulier le devoir de témoigner du respect aux entraîneurs de l’équipe adverse, du respect aux officiels et du respect aux partisans de l’équipe adverse. Cela veut dire aussi adopter des pratiques modèles qui assurent le bien-être physique et mental des athlètes, y compris ceux de l’équipe adverse. Les officiels du sport doivent avoir le pouvoir d’expulser des spectateurs turbulents et user de ce pouvoir dès les premiers signes de manque de respect sur le terrain de jeu et dans les estrades – nous devons adopter la règle de tolérance zéro et faire passer clairement ce message afin d’étouffer dans l’œuf le moindre germe de violence et afin d’éviter qu’elle ne se propage.  Il nous faut éduquer les parents sur leur rôle de spectateur et leur enseigner comment ils peuvent dans ce rôle appuyer et soutenir positivement leurs enfants dans le sport, et faire comprendre aux parents comment leurs comportements négatifs comme spectateur causent du tort à leurs enfants et nuisent à l’expérience sportive de leur progéniture.

Le sport a le potentiel d’être un puissant bien public pour les communautés canadiennes et la société canadienne, mais ne deviendra ce précieux bien public positif que s’il repose sur les valeurs et les principes du Sport pur et le sport que nous voulons, nous,  comme Canadiens.

L’un des nombreux avantages du sport est sa capacité de bâtir un capital social – de rapprocher les gens – on aime dire que le sport nous rassemble entre voisins et fait de nous des amis.  Malheureusement, il y a quelques jours, un trop grand nombre d’Égyptiens se sont rassemblés entre compatriotes et se sont quittés ennemis.