La vérité derrière l'histoire

13 novembre 2014
Le casque de baseball est jeté par terre

À la lecture de la chronique de Cathal Kelly du 5 novembre 2014 intitulée « Kelly: It’s not about A-Rod being clean, it’s about him coming clean (Kelly : le but n’est pas pour A-Rod d’être propre…) », nous avons été choqués par la naïveté et le manque de compréhension des Canadiens que dénotait la prémisse de cet article. Nous savons que provoquer le lecteur et dire des choses choquantes pour produire un effet peut faire partie du travail d’un journaliste. Mais n’y a-t-il pas de limites au sensationnalisme? Les journalistes n’ont-ils pas à l’égard de leurs lecteurs quelque responsabilité d’apporter une contribution positive?

Monsieur Kelly reconnaît dans sa chronique que la façon dont monsieur Rodriguez s’est comporté en rapport avec son usage de substances destinées à augmenter le rendement dénote un manque sérieux de moralité et que mentir, tricher, rejeter la responsabilité sur les autres et payer les gens pour mentir ne sont pas des traits de personnalité désirables.

Monsieur Kelly soutient ensuite que le sport est d’abord un divertissement et qu’en tant que fans nous voulons être divertis et ne nous soucions pas du prix que les athlètes ou les autres doivent payer pour nous divertir. Il soutient que l’attrait de contrats de plusieurs millions de dollar dans le sport justifie l’usage des substances destinées à augmenter le rendement par les athlètes. Monsieur Kelly semble voir les athlètes comme des marchandises dépourvues de tout caractère humain destinées à faire l’objet d’expériences pour le plaisir du reste de la société. Alors, le cœur de la logique de monsieur Kelly semble être que l’argent est roi et que les moyens employés pour faire fortune dans le sport n’ont pas d’importance pourvu que l’on gagne autant d’argent que possible.

Examinons cet argument du point de vue du rôle que joue le sport dans la société canadienne et de la raison pour laquelle la grande majorité des Canadiens et des athlètes canadiens ne veulent pas que des substances destinées à augmenter le rendement soient utilisées dans les sports.

D’abord et avant tout, l’usage de substances destinées à augmenter le rendement est interdit dans le sport parce qu’il est nocif pour la santé des athlètes. Chaque substance ou méthode qui figure sur la liste des substances interdites y est parce qu’il y a des preuves scientifique de l’existence d’un lien entre son usage dans le sport et des conséquences néfastes pour la santé. Monsieur Kelly soutient que les athlètes qui les utilisent sont des adultes et que s’ils veulent prendre ce risque, nous devrions les laisser faire. En fait, on pourrait penser que les énormes incitatifs financiers du sport professionnel obligent les athlètes à le faire. Cependant, ce n’est pas que des athlètes qui peuvent être disposés à risquer leur santé et même leur vie que nous devons nous soucier. La recherche nous apprend que la grande majorité des athlètes du monde entier ne veulent pas être forcés à prendre les risques pour la santé associés à l’usage des substances destinées à augmenter le rendement. Si nous laissons les athlètes qui sont disposés à prendre le risque d’utiliser des substances destinées à augmenter le rendement le faire, les autres athlètes seront pratiquement obligés d’en faire autant pour les suivre. Si nous faisions cela, nous manquerions à l’obligation de diligence que nous avons vis-à-vis de nos athlètes en tant qu’employeurs, organismes de réglementation des sports et autorités publiques.

De plus, l’usage des substances destinées à augmenter le rendement dans le sport est une fraude pure et simple. La fraude n’a sa place dans aucun domaine. Monsieur Kelly soutiendrait-il aussi que l’on peut gagner des millions de dollars en affaires en commettant des fraudes et que, par conséquent, qui ne le ferait pas? Sinon, pourquoi alors soutient-il qu’il est acceptable de gagner des millions de dollars dans le sport en commettant une fraude par l’usage de substances destinées à augmenter le rendement?

Mais il y a une raison encore plus convaincante d’avoir des règles contre l’usage des substances destinées à augmenter le rendement dans le sport, et cette raison est tout simplement l’impact que nos meilleurs athlètes ont, par l’exemple qu’ils donnent, sur les décisions et les comportements des jeunes enfants. Si le message que nous transmettons aux jeunes enfants dans le sport est que « le seul moyen de réussir est d’utiliser des substances destinées à augmenter le rendement », alors nos enfants deviendront des victimes consentantes, trop jeunes et impressionnables pour comprendre. Ceci créerait à l’échelle mondiale un problème de santé publique d’une ampleur incalculable.

Oui, le sport nous divertit. Mais le sport est beaucoup plus qu’un simple divertissement. Le sport est un actif public incroyablement précieux. Il est susceptible de faire un bien énorme à nos collectivités et à notre pays. Lorsque nous faisons du sport correctement, lorsque le sport repose sur des valeurs et des principes qui consistent entre autres à demeurer en santé, à respecter les autres et à faire preuve d’esprit sportif, alors le sport peut développer la moralité de nos enfants, renforcer nos collectivités et accroître nos chances d’exceller sur la scène mondiale. C’est pourquoi les substances destinées à augmenter le rendement n’ont pas leur place dans le sport! Elles privent le sport et nos athlètes de ces avantages.

Adam van Koeverden, l’un de nos plus grands athlètes olympiques, le sait. Il a répondu (http://goo.gl/Gq8zdL) très vite à l’article néfaste de monsieur Kelly. Bien joué, Adam! Adam défend l’intégrité du sport et incite la prochaine génération de Canadiens à participer au sport pur.

Nous avons tous la responsabilité de défendre l’intégrité du sport, de protéger les athlètes et les jeunes enfants des pressions exercées sur eux pour qu’ils utilisent des substances destinées à augmenter le rendement, et d’aider le sport à réaliser son potentiel pour nos enfants, nos collectivités et notre pays, les journalistes comme les autres!

Paul Melia
Président-directeur général
Centre canadien pour l’éthique dans le sport